Les supraconducteurs à haute température critique

En 1986, on découvrit une nouvelle catégorie de matériaux supraconducteurs, qui ont rapidement fracassé les records de température critique. Jusque là, le record était $T_c=11$K. En quelques mois, on atteint la valeur $T_c=135K$. Ces matériaux ont une structure moléculaire relativement compliquée, mais dont le point commun est la présence de plans de cuivre-oxygène (unité de base CuO$_2$), comme illustré ci-dessous:

Les cuprates supraconducteurs sont des matériaux quasi-bidimensionnels, c'est-à-dire que la mobilité des électrons entre les plans de CuO$_2$ est beaucoup moindre qu'au sein d'un plan. Pour cette raison, les modèles théoriques avancés pour comprendre le comportement des électrons dans les cuprates sont génréralement définis en deux dimensions et se veulent une modélisation des plans de CuO$_2$.

Il est important de souligner que les cuprates supraconducteurs ont une formule chimique variable (les symboles $x$ et $\delta$ dans la figure ci-dessous). Les composés dits stoechiométriques ($x=0$ ou $\delta=0$) ne sont pas supraconducteurs. Ce sont plutôt des isolants antiferromagnétiques. Un antiferroaimant est un matériau dans lequel les spins des atomes voisins sont ordonnés de manière antiparallèle, comme illustré ci-dessous:

Sur cette illustration, qui représente schématiquement un plan de CuO$_2$, les atomes de cuivre sont représentés en bleu et les atomes d'oxygène en rouge. Plus précisément, on représente une orbitale $d_{x^2-y^2}$ du cuivre, avec ses quatres lobes, et des orbitales $p_x$ et $p_y$ pour l'oxygène. L'orbitale $d$ du cuivre contient en moyenne un électron et le spin de cet électron a tendance à s'ordonner dans des directions alternées d'un atome de cuivre à l'autre.

Quand on introduit dans les cuprates des dopants ($x>0$) ou des oxygènes supplémentaires ($\delta>0$) qui vont se loger entre les plans de CuO$_2$, ces atomes vont soit capturer ou donner des électrons supplémentaire aux plans de CuO$_2$. Les plans sont alors dopés en trous ou en électrons selon le cas. Au-delà d'un certain dopage, l'antiferromagnétisme disparaît et la supraconductivité apparaît. Le diagramme de phase ci-dessous résume schématiquement la situation. La phase supraconductrice (en jaune) apparaît un peu en bas de 10% de dopage et disparaît un peu avant 30%, avec un maximum autour de 15% (les valeurs exactes dépendent des composés). En plus de cette phase, d'autres phénomènes curieux apparaissent. Signalons notamment une phase dite d'onde de densité de charge (ODS) , en compétition avec la supraconductivité, mais révélée quand cette dernière est supprimée par l'application d'un champ magnétique important. Une ODS se manifeste par une variation périodique de la densité d'électrons qui ne s'accorde pas à la période du réseau cristallin.

Également important est le phénomène appelé pseudogap. Ceci se manifeste par une disparition partielle des électrons de faible énergie, ce qui diminue la capacité du matériau à conduire l'électricité. Les cuprates supraconducteurs sont étranges à plus d'un titre. Leur compréhension théorique prend peu à peu forme, et cela 30 ans après leur découverte. La richesse de ce diagramme de phase de ces matériaux et la difficulté à l'expliquer théoriquement est liée à l'importance particulière des interactions électron-électron dans ces matériaux. On dits qu'ils sont fortement corrélés.