Mars 2001: Jean-Sébastien Landry, Sébastien Roy, Bumsoo Kyung, Alexandre Blais, André-Marie Tremblay |
Un des phénomènes collectifs les plus remarquables en physique de la matière condensée (solide ou liquide) est celui de la supraconductivité. Dans cet état de la matière, les phénomènes propres à la théorie la plus fondamentale de la matière, la mécanique quantique, se manifestent à une échelle macroscopique: les courants électriques circulent sans résistance, et les champs magnétiques sont exclus, donnant lieu au phénomène de lévitation souvent illustré dans la presse populaire. La compréhension de ce phénomène collectif par Bardeen, Cooper et Schrieffer en 1957 fut un succès retentissant. La supraconductivité est tellement bien comprise qu'elle est maintenant utilisée pour caractériser d'autres propriétés des matériaux. Cet état de choses a subitement changé en 86-87 suite à la découverte de la supraconductivité à haute température. Ces températures, aux environs de 100K, ne sont hautes que par opposition à la vingtaine de degrés Kelvin connue auparavant comme la plus haute température à laquelle un matériau pouvait devenir supraconducteur. Les propriétés des matériaux à haute température de transition ne semblent pas être expliquées par les approches conventionnelles. Même pour un phénomène aussi banal que la dépendance en température de la résistivité au-dessus de la température de transition supraconductrice, les modèles habituels de la physique de la matière condensée semblent impuissants.
Un des modèles les plus susceptibles d'expliquer l'essentiel de la physique de ces nouveaux matériaux, ainsi que celle d'autres familles de solides de même type, est le modèle dit de Hubbard. Ce modèle inclut de la façon la plus simple possible la physique qui influence le comportement des électrons dans de tels systèmes, soit la présence d'un réseau cristallin et l'existence de répulsion entre lesdits électrons. L'importance de ce modèle va bien au-delà des supraconducteurs à haute température de transition puisqu'il permet d'étudier les nouveaux effets physiques qui apparaissent dû aux effets combinés des basses dimensions et des interactions fortes.
L'amélioration des méthodes théoriques pour traiter les électrons corrélés est aussi un sous-objectif de ce programme de recherche. Plusieurs méthodes existent déjà. Cependant, certaines d'entre elles sont nouvelles et ont encore besoin d'être vérifiées. De plus, il n'y a encore des cas où on ne connaît pas de méthode analytique appropriée. Nous avons déjà développé deux nouvelles approches, une en couplage intermédiaire et une en couplage fort.
Mentionnons aussi comme sous-objectif, l'étude des supraconducteurs organiques par des approches analogues. Il s'agit là d'une autre classe de matériaux pour laquelle la supraconductivité n'a pas d'origine généralement admise. Il n'est pas rare de trouver dans la littérature des idées développées dans le contexte des supraconducteurs organiques s'appliquer aux supraconducteurs à haute température de transition et vice-versa.
Nous utilisons plusieurs approches complémentaires. Parmi ces approches, les simulations numériques sont fondamentales pour nous permettre de tester la validité des approches analytiques puisque celles-ci sont en général approximatives. Nous avons développé des programmes de simulations numériques sophistiqués que nous mettons maintenant à profit pour réaliser nos objectifs. Il n'existe maintenant dans le monde qu'une dizaine de groupes qui ont développé cette expertise. Un ordinateur parallèle IBM-SP est à notre disposition. De plus, Alain Veilleux, Michel Barrette et Mehdi Bozzo-Rey ont monté une grappe d'une soixantaine de processeurs Intel (classe Beowulf) qui nous permet d'atteindre des vitesses de calcul comparables aux super-ordinateurs.
Nous avons aussi développé dernièrement une nouvelle approche non-perturbative qui permet d'obtenir des résultats analytiques supérieurs à ceux des autres approches lorsqu'on les compare aux simulations Monte Carlo. Notre approche en plus prédit des effets physiques nouveaux. Nous continuons de développer cette approche en plus de l'appliquer à différents problèmes.
La méthode que nous avons développée est la seule qui permette d'obtenir, sans paramètre ajustable, un bon estimé de la température critique et des fluctuations de spin pour le modèle de Hubbard bi-dimensionnel en régime de couplage faible à intermédiaire. Le projet suivant est une application de notre méthode à l'étude des fluctuations de spin. Notre approche permet aussi d'avoir accès aux propriétés à une particule. Nous utilisons cette approche dans plusieurs projets, tous reliés à la question du pseudogap.
ii) Projet Monte Carlo quantique Nous continuons de développer cet outil précieux qui nous permet de constamment vérifier la validité de nos approches et d'explorer des domaines de paramètres inaccessibles aux méthodes analytiques. Le programme a été réécrit en Fortran 90 par Hugo Touchette en 1996 et il tourne sur l'ordinateur parallèle IBM SP et sur une grappe d'une soixantaine de processeurs pentium II et III (ordinateur dit de classe Beowulf). En 1998 David Poulin et Steve Allen ont terminé les travaux entrepris par Samuel Moukouri pour développer les programmes pouvant analyser les données Monte Carlo en temps imaginaire pour en extraire, par une méthode de prolongement analytique dite "d'entropie maximum", les propriétés en fréquence réelle. Un grand nombre de projets ont été rendus possibles grâce à ces programmes.
Introduction au problème des électrons corrélés Avec David Sénéchal et Claude Bourbonnais, j'ai écrit un article d'introduction au problème des électrons fortement corrélés. Cet article est paru dans un numéro spécial de "La Physique au Canada" dédié à la supraconductivité à haute température.
Approche non-perturbative au modèle de Hubbard attractif. Avec S. Allen, nous avons complété des travaux qui ont permis de généraliser au cas du modèle de Hubbard attractif la méthode que nous avions développée dans le cas répulsif. Ces travaux constituent une partie de la thèse de doctorat de Steve, déposée cette année. L'approche est basée sur le formalisme des dérivées fonctionnelles et pourra probablement être généralisée plus tard à d'autres modèles. Avec Steve Allen et Bumsoo Kyung, nous avons comparé les résultats de cette approche à des simulations Monte Carlo pour démontrer sa précision. Les comparaisons ayant été très satisfaisantes, nous avons ensuite pu compléter des études analytiques qui ont mis en évidence de façon détaillée le mécanisme de formation du pseudogap dû aux fluctuations de paire. Nous avons confirmé que, comme dans le cas répulsif, en couplage faible à intermédiaire, le pseudogap s'ouvre lorsque nous entrons dans le régime classique-renormalisé (kBT > hn où n est la fréquence caractéristique). De plus, nous avons observé et expliqué deux phénomènes reliés au pseudogap: (a) L'ouverture d'un pseudogap dans le densité totale d'état à des températures plus élevées que dans le poids spectral à une particule. (b) Le réarrangement du poids spectral sur des gammes de fréquence énormes comparé à la température absolue lorsque le pseudogap apparaît dans des régimes de couplage intermédiaire.Diagramme de phase magnétique de la phase kappa du (BEDT-TTF)2X. Il s'agit du projet de maîtrise de Stéphane Lessard, en collaboration avec Claude Bourbonnais. Les matériaux organiques du type (BEDT-TTF)2X ont une structure en couche et présentent une phase antiferromagnétique et une phase supraconductrice. Ils ont ainsi plusieurs points en commun avec les supraconducteurs à haute température. Le mémoire de maîtrise de Stéphane Lessard démontre que pour comprendre la relaxation magnétique nucléaire observée expérimentalement, les modèles à couplage faible à intermédiaire ne suffisent pas. Pour les pressions où ces composés deviennent antiferromagnétiques, les corrélations sont très fortes, c'est-à-dire que la répulsion Coulombienne intramoléculaire U est beaucoup plus grande que la largeur de bande. Ces résultats sont cohérents avec les résultats expérimentaux récents de Sylvie Lefebvre qui observe une transition métal-isolant de type Mott dans ces composés.
Propriétés à une particule au-dessus de la température du pseudogap. L'emboîtement (au moins approximatif) est une propriété importante de la surface de Fermi des supraconducteurs à haute température. Dans sa thèse de doctorat, François Lemay a découvert que l'emboîtement de la surface de Fermi, pour les sytèmes bi-dimensionnels à température finie, détruit les quasiparticules du liquide de Fermi, malgré le fait que celles-ci existent à T=0. Le dopage et les sauts aux seconds voisins, qui sont présents dans les composés réels, ne restaurent pas immédiatement le liquide de Fermi si la température est suffisamment élevée. Nous rédigeons présentement une publication sur ce travail.
Localisation induite par la température dans les systèmes en interaction. Dans un système d'électrons en interaction sur un réseau, l'augmentation d'entropie associée à la formation d'un moment local peut favoriser la localisation des électrons. Ceci mène à une décroissance apparemment paradoxale de la double occupation lorsque la température augmente. Éventuellement, à température suffisamment élevée, la double occupation augmente avec la température, comme le suggèrent des considérations élémentaires.Globalement donc, ce phénomène se manifeste par un minimum de la double occupation en fonction de la température. Cet effet, qui avait été observé à demi-remplissage en dimension infinie, a été découvert pour tous les remplissages à deux dimensions par François Lemay dans sa thèse de doctorat. Des simulations Monte Carlo débutées par Jean-Sébastien Landry ont confirmé l'existence du phénomène. Sébastien Roy, étudiant à la maîtrise, complète présentement les simulations et a trouvé un moyen de calculer l'entropie de façon fiable par calculs Monte Carlo. Les résultats seront comparés à ceux obtenus par différentes approches analytiques, grâce entre autres à la collaboration de Bumsoo Kyung.
Susceptibilité de spin et de charge dans le modèle de Hubbard attractif. Bien que la méthode développée avec Yury Vilk et Steve Allen permette de décrire assez précisément les fluctuations dominantes, tel les fluctuations de paire dans le modèle de Hubbard attractif, les canaux non-singuliers sont plus difficiles à calculer de façon fiable. Avec Bumsoo Kyung et Steve Allen, nous avons trouvé une façon d'utiliser la symétrie de croisement pour calculer la susceptibilité de spin et celle de charge dans le modèle attractif. Nous espérons compléter ce projet cette année, pour ensuite généraliser cette approche au modèle répulsif. Les canaux non-dominants dans ce modèle sont les canaux supraconducteurs, ce qui indique l'importance de réussir à faire cette généralisation.
Diagramme de phase magnétique du modèle de Hubbard. Bien que la plupart des méthodes analytiques suggèrent que le magnétisme survit à dopage fini, les simulations Monte Carlo quantiques n'ont pas réussi jusqu'à maintenant à démontrer cette persistence du magnétisme au-delà du demi-remplissage. Nous croyons que le magnétisme à température nulle est incommensurable au-delà du demi-remplissage et donc que les conditions aux limite périodiques frustrent ce magnétisme dans les simulations Monte Carlo quantiques. Avec David Poulin, nous espérons démontrer cet effet en étudiant la convergence des simulations à partir d'une température finie. Pour un dopage faible, les fluctuations antiferromagnétiques devraient d'abord augmenter en diminuant la température, pour éventuellement diminuer à température suffisamment faible lorsque l'incommensurabilité ne peut plus être cachée par les effets de température.
Signe du déterminant dans les méthodes de simulation Monte Carlo quantique "déterminantales". Avec Henri Orland (Saclay) j'explore une méthode qui permettrait peut-être d'obtenir des résultats Monte Carlo quantiques à T=0 sans problème de signe.
We also continue to develop and use our Monte
Carlo simulations programs.
The program has been rewritten in Fortran 90 in 1996
and it runs on the SP
parallel computer. We have developed code that allows us to extract
real-frequency properties from imaginary time data. These Maximum Entropy
programs are allowing us to investigate dynamical properties and to establish
the difference between quantum-critical point and strong-coupling induced
pseudogaps. These programs are also used in a number of projects described
below.
This is an introduction to the problem of strongly correlated electrons. This paper appeared in a special issue of "Physics in Canada" dedicated to High Temperature Superconductivity.
- Strong correlations in low dimensional conductors. What are they, and where are the challenges? by A.-M.S. Tremblay, C. Bourbonnais, and D. Sénéchal, Physics in Canada / La physique au Canada, 56, 229-235 (2000) (7 pages).
- Non-perturbative approach to the attractive Hubbard model. by S. Allen and A.-M.S. Tremblay, submitted to Phys. Rev. B, October 2000.
This is part of Steve Allen's PhD thesis, completed this year. We have generalized to the attractive Hubbard model, the method that we had developed for the répulsive case. This approach is based on the functionaol derivative method and it formulated in such a way that it should be possible to generalize it later to other models.
With Steve Allen (part of his PhD thesis) and Bumsoo Kyung, postdoc, we have compared the results of the theory developped in the previous paper with Quantum Monte Carlo calculations. These comparisons show that the method is quite accurate. This allowed us to understand in quite some detail the mechanism for the formation of a pseudogap due to pairing fluctuations in weak to intermediate coupling. We have confirmed that, as in the repulsive case, the pseudogap opens up when we enter the Renormalized-Classical regime. (kBT > hn where n is the characteristic frequency). Moreover, we have observed and explained two associated phenomena: (a) The opening of a pseudogap in the total density of states at higher temperatures than in the single-particle spectral weight. (b) The rearrangement of the spectral weight, at intermediate coupling, on a frequency range that is enormous compared with the absolute temperature where the pseudogap appears.
- Pairing fluctuations and pseudogaps in the attractive Hubbard model, by B. Kyung, S. Allen, and A.-M. S. Tremblay, submitted to Phys. Rev. B, October 2000.
This is the Master thesis of Stéphane Lessard, co-supervised with Claude Bourbonnais. Organic materials of the (BEDT-TTF)2X type have a bi-dimensionnal structure, as well as superconductinb and antiferromagnetic phases. They thus have many points in common with High Temperature Superconductors. The thesis of Stéphane Lessard shows that to understand the experimentally observed Nuclear Magnetic Relaxation the weak to intermediate coupling models do not suffice. At pressures where these compounds become antiferromagnetic, correlations are very strong. In other words, intramolecular repulsion U is much larger than the bandwidth. These results are consistent with recent experimental results of Sylvie Lefebvre who observed a Mott metal-insulator transition in this type of compounds. Nesting, or near-nesting, is an important property of the Fermi surface of High-Temperature Superconductors. In his PhD thesis, François Lemay has discovered that Fermi liquid quasiparticles are destroyed by finite temperature and nesting in two-dimensional systems, despite the fact that they survive at T=0. Doping and second-neighbor hoppping, that are present in the real systems, do not immediately restore the Fermi liquid if the temperature is sufficiently high. We are writing up a publication on this work.
Temperature-induced localisation in interacting systems. In a system of interacting electrons on a lattice, the increase in entropy associated with the formation of a local moment can favor electron localisation. This phenomenon leads to a paradoxical decrease in double occupancy with increasing temperature. Eventually, at sufficiently high temperature, double occupancy increases as expected from elementary considerations. Overall then, there is a minimum in the plot of double occupancy as a function of temperature. This phenomenon, that had been observed first at half-filling in infinite dimension, has been discovered analytically at arbitrary filling in two dimension in the PhD thesis of François Lemay. Monte Carlo simulations, begun by Jean-Sébastien Landry, have confirmed this phenomenon. Sébastien Roy, a master's student, is completing the simulations. He has found a way to obtain the entropy in a yreliable way from monte Carlo simulations. The results will be compared to those obtained by different analytical approaches, thanks in particular to a collaboration with Bumsoo Kyung.
Spin and charge susceptibility in the attractive Hubbard model. Despite the fact that the method developed with Yury Vilk and Steve Allen allows a satisfactory description of dominant fluctuations, such as pair fluctuations in the attractive Hubbard model, non-singular channels are more difficult to compute in a reliable analytical way. With Bumsoo Kyung and Steve Allen, we have found a way to use crossing symmetry to compute the spin and charge susceptibilities of the attractive model. We hope to complete this work this year and then to generalize it to the repulsive model. Non-dominant channels in this model are the superconducting ones, indicating the importance of succeding in making this generalization.
Magnetic phase diagram of the Hubbard model. Despite the fact that most analytical methods predict that magnetism survives at finite doping, quantum Monte Carlo simulations have not succeded up to now to demonstrate the persistence of magnetism way from half-filling. We believe that magnetism is incommensurable away from half-filling so that periodic boundary conditions in Quantum Monte Carlo simulations frustrate magnetism. With David Poulin, we hope to demonstrate this effect by studying the zero-temperature convergence of simulations starting from finite temperature. For small doping, antiferromagnetic fluctuations should first increase while temperature decreases, to eventually decrease at sufficiently low temperature when incommensurability is not hidden by finite temperature effects.
Sign of the determinant in "determinantal" Quantum Monte Carlo methods. With Henri Orland (Saclay) I am exploring a method that might allow us to obtain zero temperature Quantum monte Carlo results without sign problems.
La collaboration avec A. Zagoskin et la compagnie d-wave sur les qubits de phase continue.
The collaboration with Alexandre Zagoskin of d-wave on
phase qubits is continuing.
Auteur et concepteur : André-Marie
Tremblay