6. La valeur ajoutée relativement à l'intégration des activités de recherche des équipes et des chercheurs individuels.

A) Présentez un résumé des activités de recherche du centre

Le thème unificateur du Centre est la physique des solides fortement anisotropes, c'est-à-dire les matériaux quasi-unidimensionnels (filamentaires) et quasi-bidimensionnels (planaires). Une partie des recherches se concentre sur les matériaux naturellement anisotropes, comme les conducteurs organiques, les chaînes de spins, les cristaux liquides et les supraconducteurs à haute température de transition. L'autre partie des recherches est dirigée vers la compréhension des matériaux artificiellement anisotropes, c'est-à-dire les semiconducteurs dont la croissance a été faite en couches pour produire ce qui est connu sous le nom d'hétérostructures. Celles-ci sont utilisées pour fabriquer des composants pour la micro-électronique et l'opto-électronique. À partir de ces hétérostructures, les techniques de nano-fabrication permettent de faire des structures filamentaires ou ponctuelles à l'échelle de la centaine de nanomètres. On parle donc de nanostructures, ou de microstructures. Chacun de ces deux grands domaines, soit matériaux naturellement anisotropes et matériaux artificiellement anisotropes, regroupe une équipe expérimentale: A) L'équipe d'études expérimentales de matériaux exotiques s'intéresse principalement aux conducteurs et supraconducteurs organiques, aux supraconducteurs à haute température de transition, aux isolants magnétiques et aux ferroélectriques. Parmi ses équipements spéciaux, on retrouve les basses températures, l'interférométrie Fourier, les hyperfréquences (60 GHz) et les forts champs magnétiques (10T-16T). B) Le groupe d'études des Matériaux pour Composants et Microstructures (MCM) se concentre sur les propriétés fondamentales des micro- et nano-structures à base de semi-conducteurs et sur leur potentiel d'application en micro- et opto-électronique. Ce groupe de recherches comprend des ingénieurs et son sujet de recherche est celui où le potentiel d'application est le plus grand, particulièrement en télécommunications. Parmi ses équipements spéciaux, on retrouve la spectroscopie femtoseconde, les très basses températures (300 mK), les champs magnétiques intenses (16T) la haute pression (10kbar), des salles blanches, la nanolithographie et la croissance MOCVD. Finalement, une équipe de recherches théoriques (C) s'intéresse principalement aux travaux sur les matériaux naturellement anisotropes mais une partie de ses activités porte aussi sur les hétérostructures. L'équipe dispose d'ordinateurs fonctionnant sous Unix et ses chercheurs ont accès à un ordinateur parallèle IBM-SP2 à 16 processeurs qui est parmi les plus puissants au Canada.

Les contacts entre l'équipe théorique (équipe C) et l'équipe expérimentale sur les matériaux exotiques (équipe A) sont très étroits. Depuis juin 93 on compte 5 articles co-signés par des membres des deux équipes. Parmi les travaux importants en cours impliquant des chercheurs principaux des deux équipes, notons ceux qui utilisent les conducteurs organiques (famille des BEDT-X) pour essayer d'éclaircir la supraconductivité (à haute température) dans les oxydes de cuivre. En effet, ce n'est que tout récemment qu'il a été démontré que la supraconductivité dans les oxydes de cuivre avait une symétrie (type d) différente des supraconducteurs conventionnels et des travaux faits à Sherbrooke et à Orsay suggèrent un résultat semblable pour les organiques. Il faudrait entre autres faire des mesures à plus basse température de la longueur de pénétration et de l'absorption ultrasonore dans la direction perpendiculaire aux couches. Il est prévu d'utiliser un cryostat de l'équipe MCM (équipe B) pour atteindre des températures suffisamment basses pour prouver le résultat de façon définitive. Ce n'est pas la première fois que cette dernière équipe joint ses efforts aux autres pour faire des contributions remarquables au domaine des conducteurs organiques. Ainsi, la magnéto-photoconductivité d'un composé organique quasi-unidimensionel à onde de densité de spins a été mesurée pour la première fois dans le laboratoire de J. Beerens.

Comme autre exemple de travail en cours impliquant un chercheur affilié, R. Côté, de l'équipe théorique (équipe C) et l'équipe MCM (équipe B), notons les travaux sur les doubles puits quantiques. Des chercheurs de physique et de génie électrique feront des expériences sur des échantillons venant du CNRC (Ottawa) pour essayer d'y détecter des "bimérons", un nouveau type d'excitation élémentaire qui est une généralisation des "skyrmions". R. Côté a participé à la découverte de ces derniers dans les hétérostructures soumises à des champs magnétiques. Cette dernière découverte avait été rapportée dans la section " Search and Discovery " de la revue Physics Today, qui ne traite normalement que trois sujets par mois et qui est lue par les 41 000 membres de l'American Physical Society un peu partout dans le monde.

B) Démontrez la valeur ajoutée par le centre relativement à l'intégration des activités de recherche des équipes et des chercheurs individuels en abordant chacun des indicateurs énumérés à l'article 33 des règlements du programme. (2 pages)

Article 33:

Les indicateurs utilisé pour le critère de la valeur ajoutée relativement à l'intégration et à la cohésion des activités de recherche proposées sont:

Il y a plusieurs signes du rayonnement international du Centre. Les invitations à des conférences internationales en sont un. Une liste partielle de ces conférences a été donnée à la question 4B sur l'impact. L'invitation conjointe à des expérimentateurs (équipe A) et des théoriciens (équipe C) comme conférenciers à l'"International Conference on Synthetic Metals" est un signe de la reconnaissance internationale que s'attirent les activités conjointes entre différentes équipes du Centre. La participation des chercheurs à des jurys étrangers en est une autre. Lorsque le programme de supraconductivité de l'Institut Canadien de Recherches Avancées (ICRA) a été officiellement lancé en 88, seulement McMaster, UBC et Sherbrooke ont été reconnus officiellement comme "noeuds" de l'Institut. Les liens de collaboration entre des chercheurs du Centre et ceux de plusieurs Centres prestigieux (Orsay, CNRC...) sont un autre signe de reconnaissance. Les travaux conjoints entre des chercheurs de différentes équipes du Centre sont souvent ceux qui réussissent à être publiés dans la revue de physique la plus reconnue, Physical Review Letters. Au niveau de la reconnaissance du grand public, notons que le directeur du Centre était, avec le prix Nobel de physique Pierre-Gilles de Gennes, l'un des quatre participants, en mars 95, d'une émission de TV-5 sur les matériaux.

Bien que vaste, le domaine de la physique du solide a des bases bien définies qui sont communes à tous les chercheurs du Centre. Ainsi, la théorie des excitations électroniques élémentaires (théorie des bandes) et des vibrations cristallines quantifiées (phonons) et de leurs interactions sont la base de la physique du solide traditionnelle et de ses applications spectaculaires à l'électronique et l'opto-électronique modernes. Les modèles traditionnels sont cependant inadéquats lorsque soit les interactions entre électrons ou soit les fluctuations thermiques sont fortes. Ces conditions se rencontrent surtout, pour des raisons très fondamentales, dans les matériaux solides tellement anisotropes qu'ils se comportent effectivement comme s'ils étaient bi-dimensionnels ou uni-dimensionnels. Ces matériaux peuvent être naturellement anisotropes, comme les conducteurs organiques, ou artificiellement construits dans des configurations anisotropes, comme les hétérostructures semiconductrices. Dans tous ces matériaux, de nouveaux phénomènes physiques apparaissent, tels la supraconductivité à haute température, l'effet Hall quantique ou les transitions de phase de type Peierls. Bien que les découvertes expérimentales des deux premiers phénomènes ait déjà mené a l'attribution de deux prix Nobel, les approches traditionnelles de la physique du solide ne réussissent pas à expliquer tous les phénomènes qu'on continue de découvrir dans les matériaux fortement anisotropes. C'est à ce niveau que se situent les activités du Centre. De nature surtout fondamentale, la recherche au CRPS comprend néanmoins plusieurs secteurs d'applications, particulièrement dans le domaine des dispositifs optoélectroniques formés d'hétérostructures semiconductrices. Bien que les composés naturellement anisotropes et les semiconducteurs artificiellement anisotropes aient chacun leurs problèmes spécifiques, on note des recouvrements réels entre les deux domaines puisque, dans les deux cas, les interactions et la basse dimension sont à l'origine des phénomènes nouveaux. Par exemple, en janvier 96 le directeur du Centre a été invité à une conférence en France intitulée "Correlated fermions and transport in mesoscopic systems" qui établissait clairement le lien entre ces deux grands axes de recherche. (Voir aussi "Search and Discovery" dans "Physics Today", Sept. 96)

Contexte disciplinaire: C'est la découverte des supraconducteurs à haute température de transition en 1987 qui a stimulé l'expansion rapide des recherches dans ce qui était déjà un domaine d'intérêt du Centre, soit les systèmes anisotropes où les interactions entre les électrons sont fortes. En effet, les supraconducteurs à haute température sont mal compris et très différents des supraconducteurs conventionnels. Ils font partie de cette classe plus générale de solides fortement anisotropes où, comme dans le cas des conducteurs organiques, les interactions électron-électron et les effets de fluctuation thermique sont importants. Quant aux hétérostructures semiconductrices, les besoins industriels de la micro-électronique et de l'opto-électronique ont poussé le développement de matériaux toujours plus purs dont la structure est toujours mieux contrôlée et où la découverte de nouveaux phénomènes physiques continue de stimuler les recherches fondamentales.

Contexte mondial: Dans le numéro de Septembre 95 de la revue Scientific Américan intitulé "Key Technologies for the 21st Century", on retrouve les supraconducteurs à haute température (p.162) et les réseaux basés sur les technologies opto-électroniques (p.72), deux sujets qui motivent la plus grande partie des études du Centre. Ces sujets de pointe sont partout dans la littérature courante. Selon la revue Science Watch, des articles portant sur ces sujets sont toujours parmi les dix plus cités en physique dans le monde. En fait, depuis quelques années, le nombre de laboratoires et de collaborations étudiant ce genre de problèmes s'est multiplié dans le monde. Par exemple, les supraconducteurs à haute température sont étudiés dans toutes les grandes universités américaines et il y a en plus de nombreux "Center for Superconductivity Research". Sur les supraconducteurs à haute température et les corrélations fortes on compte au moins quinze réseaux Européens. Outre Sherbrooke, les conducteurs organiques ont leurs grands centres de recherche à Orsay en France, Princeton, UCLA, Argonne aux Etats-Unis et Tokyo, Nagoya au Japon. Il existe aussi un grand nombre de groupes Européens sur les conducteurs quasi-unidimensionnels. Au Japon les conducteurs organiques ont été déclaré une priorité au même sens que la supraconductivité à haute température. Quant aux hétérostructures semi-conductrices, leur importance industrielle fait qu'on retrouve partout des recherches dans ce domaine, tant dans les universités que dans de grandes entreprises en micro-électronique du monde industrialisé.

Contexte canadien et québécois: Dans son document "Vision jusqu'en 2001. Science et technologie pour l'avenir du Canada", le Conseil National de Recherches (CNRC) identifie la physique du solide comme priorité nationale (mars 96). Dans le même document, p.16, il identifie l'optoélectronique comme une technologie clé. À la p.25 on trouve que les sciences fondamentales étudiant les matériaux et les procédés de nano-échelle sont un de des axes majeurs de cet organisme. Au Canada, le domaine des hétérostructures semi-conductrices est étudié principalement à McMaster, Simon Fraser et à l'École Polytechnique de Montréal. Nortel est la principale industrie canadienne travaillant dans le domaine et le CNRC est le principal organisme gouvernemental. Nous avons des liens de collaboration avec ces deux derniers organismes et avec Polytechnique. Nous sommes le seul Centre québécois dont la majeure partie des travaux dans ce domaine est de nature fondamentale. En ce qui concerne les autres axes du Centre, nous sommes la seule équipe au Canada oeuvrant activement dans le domaine des conducteurs organiques, tandis que du côté des supraconducteurs à haute température, nous faisons partie de l'ICRA qui chapeaute tous les Centres canadiens actifs dans le domaine.

Contributions: À titre d'exemple, nous sommes dans une bonne position pour contribuer à faire avancer les connaissances scientifiques fondamentales dans le problème de la compétition entre antiferromagnétisme et supraconductivité dans les supraconducteurs organiques et à oxyde de cuivre. Nous sommes aussi dans une excellente position pour expliquer les propriétés de nouveaux isolants magnétiques comme le grâce à une collaboration intense entre les groupes théoriques et expérimentaux sur ce sujet. Un succès dans le projet bimérons mentionné à la section 6A serait une percée remarquée. Finalement, faute de place, nous terminons en mentionnant brièvement le projet d'implantation ionique sur structures quantiques qui, s'il réussit, aurait des applications très importantes dans la fabrication de circuits intégrés photoniques.

Pour étudier les matériaux naturellement anisotropes, il faut mesurer les propriétés électroniques, magnétiques ainsi que celles des vibrations du réseau cristallin. L'absorption hyperfréquence ou ultrasonore fournit un instrument puissant pour le premier type de mesures (M. Poirier) alors que les spectroscopies Raman et infrarouges (S. Jandl) fournissent deux sondes complémentaires permettant d'explorer plusieurs propriétés dont celles des vibrations cristallines. Les applications, en particulier celles des supraconducteurs à haute température, dépendent de la croissance cristalline et des propriétés de transport, comme la conductivité électrique ou thermique, ou la magnétoconductivité, à basse fréquence (M. Aubin). L'interprétation de ces résultats peut s'obtenir de modèles mathématiques dont la solution nécessite un grand nombre de techniques sophistiquées. Par exemple, on utilise des techniques dites de renormalisation (C. Bourbonnais) pour les conducteurs organiques, les approches numériques variationnelles (L.G. Caron), les méthodes numériques de type Monte Carlo (A.-M. Tremblay) ainsi que les méthodes de théorie des champs (D. Sénéchal), ces dernières étant particulièrement utiles pour les chaînes de spin. La modélisation elle même est cruciale dans le cas général et en particulier dans le cas des cristaux liquides (A. Caillé). Les matériaux artificiellement anisotropes de leur côté partent du GaAs comme matériau de base qu'on peut faire croître par la technique MOCVD (C. Aktik). La disponibilité de ce matériau permet des études cherchant, par exemple, à comprendre l'effet des radiations sur le transport et la photoluminescence (C. Carlone). Les techniques sophistiquées de nanolithographie (J. Beauvais) sont requises pour faire des nanostructures (fils et des points quantiques) à partir de ces matériaux. Les mesures de magnéto-transport et de magnéto-optique (J. Beerens) sont essentielles pour caractériser les propriétés de ces nanostructures. Finalement, les applications opto-électroniques nécessitent des études des propriétés optiques sur des échelles de temps très courtes, préférablement la femtoseconde (D. Morris).